Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/16

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me, la sottise crédule et maligne a pu accueillir avec complaisance ces contes ridicules forgés par l’envie ; mais l’envie laisse-là sa victime dès qu’elle n’existe plus, et la sottise qui n’est presque jamais qu’un écho, cesse de répéter ce qu’on cesse de dire. Il y a trente-quatre ans que Duclos est mort ; il n’en coûte plus de lui rendre justice, et chacun aujourd’hui se dira avec nous : Duclos a prouvé, par toute sa vie, qu’il étoit incapable de l’espèce de platitude qu’on lui impute ; son amour-propre eût suffi pour l’en garantir. Les personnes qui composoient, dit-on, les livres qu’il publioit sous son nom, ne composoient seulement pas ceux qu’ils donnoient sous le leur ; et quelques écrits réellement sortis de leurs plumes, témoignent à la fois et qu’on faisoit leurs ouvrages, et qu’ils ne faisoient pas ceux des autres. Quant à Duclos, tous ses écrits, comparés entre eux, offrent cet accord singulier d’idées, de style et de ton qui existoit entre ses écrits et sa conversation. C’est dans tous la manière vive et concise d’un moraliste ingénieux, accoutumé à convertir ses observations en résultats, et à présenter ceux-ci sous cette forme de saillie et de trait qui donne à des réflexions générales le piquant d’une épigramme personnelle. Cette identité, déjà si frappante dans la façon de voir et de montrer les objets, l’est encore bien davantage dans le mécanisme de la diction et l’arrangement même des mots. Elle a été poussée au point qu’elle n’a échappé à aucune classe de lecteurs, et est devenue la matière d’un reproche assez fondé. Mais il faut être conséquent : si l’on veut blâmer Duclos d’avoir tout écrit du même style, on doit lui accorder que tous ses ouvrages sont de lui.

En 1739, Duclos fut reçu à l’académie des inscriptions et belles-lettres. Il n’avoit alors que trente-quatre ans, et n’avoit encore publié aucun écrit, puisque la Baronne de Luz, qui est son premier ouvrage connu, a été imprimée, pour la première fois, en 1741. On peut être surpris que cette compagnie si distinguée ait ouvert ses portes à un homme qui n’avoit point fait ses preuves publiques. Cela ne peut s’expliquer que par la haute réputation d’esprit et de savoir qu’il s’étoit faite dans la société, et que firent valoir sans doute les grands seigneurs et les gens de lettres avec qui il étoit lié.

En 1747, l’académie françoise l’adopta en remplacement