Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/165

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ples contraires à mon sentiment ; mais c’est l’erreur où l’on est à ce sujet qui les multiplie. Cette crainte s’évanouiroit, si l’on faisoit attention que les grands et les petits ont le même maître, qu’ils sont liés par les mêmes lois, et qu’elles sont rarement sans effet, quand on les réclame hardiment ; mais ce courage n’est pas ordinaire, et il en faut plus pour anéantir une puissance imaginaire, que pour résister à une puissance réelle.

Les hommes ont plus de timidité dans l’esprit que dans le cœur ; et les esclaves volontaires font plus de tyrans que les tyrans ne font d’esclaves forcés.

C’est, sans doute, ce qui a fait distinguer le courage d’esprit du courage de cœur ; distinction très-juste, quoiqu’elle ne soit pas toujours bien fixée. Il me semble que le courage d’esprit consiste à voir les dangers, les périls, les maux et les malheurs précisément tels qu’ils sont, et par conséquent les ressources. Les voir moindres qu’ils ne sont, c’est manquer de lumières ; les voir plus grands, c’est manquer de cœur : la timidité les exagère, et par là les fait croître ; le courage aveugle les déguise, et ne les affaiblit pas toujours ; l’un et l’autre mettent hors d’état d’en triompher.

Le courage d’esprit suppose et exige souvent celui du cœur : le courage de cœur n’a guère