Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/167

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dre ministre, souvent même d’un premier commis.

Quelque frappantes que soient ces distinctions, il semble que ceux qui vivent à la cour les sentent plus qu’ils ne les voient ; leur conduite y est plus conforme que leurs idées ; car ils n’ont pas besoin de réflexions pour savoir à qui il leur importe de plaire. À l’égard du peuple, il ne s’en doute seulement pas ; et c’est un des grands avantages des seigneurs : c’est par là qu’ils en exigent, comme un tribut, tous les services qu’il leur rend avec soumission.

Ce n’est pas uniquement par timidité que leurs inférieurs hésitent à les presser sur des engagemens, sur des dettes ; ils ne sont pas bien sûrs du droit qu’ils en ont : le faste d’un seigneur en impose au malheureux même qui en a fait les frais ; il tombe dans le respect devant son ouvrage, comme le sculpteur adora en tremblant le marbre dont il venoit de faire un dieu.

Il est vrai que si ce grand même tombe dans un malheur décidé, le peuple devient son plus cruel persécuteur. Son respect étoit une adoration, son mépris ressemble à l’impiété ; l’idole n’étoit que renversée, le peuple la foule aux pieds.

Les grands sont si persuadés de la considération que le faste leur donne, aux yeux même de leurs pareils, qu’ils font tout pour le soutenir.