Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me, et produit le dégoût ; au lieu que la singularité naturelle met un certain piquant dans la société, qui en ranime la langueur.

Les sots qui connoissent souvent ce qu’ils n’ont pas, et qui s’imaginent que ce n’est que faute de s’en être avisés, voyant le succès de la singularité, se font singuliers, et l’on sent ce que ce projet bizarre doit produire.

Au lieu de se borner à n’être rien, ce qui leur convenoit si bien, ils veulent à toute force être quelque chose, et ils sont insupportables. Ayant remarqué, ou plutôt entendu dire que des génies reconnus ne sont pas toujours exempts d’un grain de folie, ils tâchent d’imaginer des folies, et ne font que des sottises.

La fausse singularité n’est qu’une privation de caractère, qui consiste non-seulement à éviter d’être ce que sont les autres, mais à tâcher d’être uniquement ce qu’ils ne sont pas.

On voit de ces sociétés où les caractères se sont partagés comme on distribue des rôles. L’un se fait philosophe, un autre plaisant, un troisième homme d’humeur. Tel se fait caustique qui penchoit d’abord à être complaisant ; mais il a trouvé le rôle occupé. Quand on n’est rien, on a le choix de tout.

Il n’est pas étonnant que ces travers entrent dans la tête d’un sot ; mais on est étonné de les