Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nement parlant, il est plus curieux de savoir, c’est la destination qu’il donna en mourant au bien qu’il avoit amassé par son talent et son économie. Duclos avoit, en emplois littéraires, en pensions et en rentes, un revenu d’environ trente mille livres, et il sembloit n’en dépenser qu’une très-foible partie. Il mangeoit presque toujours en ville, et son habillement étoit simple jusqu’à la négligence. Sur ces seules apparences, on crut qu’il étoit avare, et, après sa mort, le bruit se répandit qu’il laissoit une fortune considérable : les plus modérés dirent trois cent mille francs ; l’abbé de Vauxcelles va jusqu’à cinq cent mille. Cette dernière estimation est fort exagérée. Nous avons eu entre les mains les comptes de l’exécution testamentaire : la succession de Duclos montoit à deux cent soixante mille francs, dont près de cinquante mille francs en or trouvés dans son secrétaire, et qu’il tenoit en réserve, avoit-il dit, pour le cas où il seroit obligé, non plus d’aller faire un voyage en pays étranger, mais de s’y fixer tout à fait. Qu’étoit donc devenue une partie des fruits de cette longue parcimonie ? on n’ignoroit. Il n’avoit dit son secret à personne pendant sa vie, et il n’en laissoit aucune trace écrite après sa mort. La reconnoissance révéla ce qu’avoit tu sa délicatesse. On sut de plusieurs côtés à la fois qu’il avoit fait nombre de bonnes actions cachées. Un M. de Laissac, lieutenant au régiment de Limosin, témoin de l’affliction profonde et universelle que sa mort répandoit dans la ville de Dinant, en apprit les causes et les fit connoître à d’Alembert. « On feroit un long détail, lui écrivoit-il, de tous les services publics et particuliers que M. Duclos a rendus à sa patrie ; des grâces qu’il a obtenues pour plusieurs de ses compatriotes ; des pensions qu’il a fait avoir à d’anciens militaires ; des jeunes gens qu’il a placés ou soutenus ; des nombreuses aumônes qu’il a répandues. Il envoyoit, régulièrement chaque année, une certaine somme pour être distribuée aux pauvres de cette ville et, dans les années où la misère publique s’est fait sentir davantage, il a doublé cette somme. Enfin son zèle et sa bienfaisance à l’égard de ses concitoyens étoient inépuisables. Quand il alloit à Dinant, c’étoit une allégresse publique, et sa mort y a causé un deuil général ».

Duclos institua son légataire universel M. de Noual, son