Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/226

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Je voudrois, pour l’honneur des lettres et le bonheur de ceux qui les cultivent, qu’ils fussent tous persuadés d’une vérité qui devroit être pour eux un principe fixe de conduite : c’est qu’ils peuvent se déshonorer eux-mêmes par les choses injurieuses qu’ils font, disent ou écrivent contre leurs rivaux ; qu’ils peuvent tout au plus les mortifier, s’en faire des ennemis, et les engager à une représailles aussi honteuse ; mais qu’ils ne sauroient donner atteinte à une réputation consignée dans le public. On ne fait et l’on ne détruit que la sienne propre, et toujours par soi-même. La jalousie marque de l’infériorité dans celui qui la ressent. Quelque supériorité qu’on eût à beaucoup d’égards sur un rival, dès qu’on en conçoit de la jalousie, il faut qu’on lui soit inférieur par quel qu’endroit.

Il n’y a point de particulier, si élevé ou si illustre qu’il puisse être, point de société si brillante qu’elle soit, qui détermine le jugement du public, quoiqu’une cabale puisse par hasard procurer des succès, ou donner des dégoûts passagers. Cela seroit encore plus difficile aujourd’hui que dans le siècle précédent, parce que le public étoit moins instruit, ou se piquoit moins d’être juge. Aujourd’hui il s’amuse des scènes littéraires, méprise personnellement ceux qui les donnent avec indécence, et ne chan-