Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/254

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s’arrêter au terme, que pour le passer par la violence de l’impulsion. Voir le but où l’on tend, c’est jugement ; y atteindre, c’est justesse ; s’y arrêter, c’est force ; le passer, ce peut être foiblesse.

Les jugemens de l’extrême vivacité ressemblent assez à ceux de l’amour-propre qui voit beaucoup, compare peu, et juge mal. La science de l’amour-propre est de toutes la plus cultivée et la moins perfectionnée. Si l’amour-propre pouvoit admettre des règles de conduite, il deviendroit le germe de plusieurs vertus, et suppléeroit à celles même qu’il paroît exclure.

On objectera peut-être qu’on voit des hommes d’un flegme et d’un esprit également reconnus tomber dans des égaremens qui tiennent de l’extravagance ; mais on ne fait pas attention que ces mêmes hommes, malgré cet extérieur froid, sont des caractères violens. Leur tranquillité n’est qu’apparente ; c’est l’effet d’un vice des organes, un maintien de hauteur ou d’éducation, une fausse dignité ; leur sang-froid n’est que de l’orgueil.

On confond assez communément la chaleur et la vivacité, la morgue et le sang-froid. Cependant on est souvent très-violent, sans être vif. Le feu pénétrant du charbon de terre jette peu de flamme, c’est même en étouffant celle-ci