Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/90

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des lieux qu’ils habitent. On trouve plus à Paris qu’en aucun lieu du monde de ces victimes du travail.

Je considère principalement ceux à qui l’opulence et l’oisiveté suggèrent la variété des idées, la bizarrerie des jugemens, l’inconstance des sentimens et des affections, en donnant un plein essor au caractère. Ces hommes-là forment un peuple dans la capitale. Livrés alternativement et par accès à la dissipation, à l’ambition, ou à ce qu’ils appellent philosophie, c’est-à-dire, à l’humeur, à la misanthropie ; emportés par les plaisirs, tourmentés quelquefois par de grands intérêts ou des fantaisies frivoles, leurs idées ne sont jamais suivies, elles se trouvent en contradiction, et leur paroissent successivement d’une égale évidence. Les occupations sont différentes à Paris et dans la province ; l’oisiveté même ne s’y ressemble pas : l’une est une langueur, un engourdissement, une existence matérielle ; l’autre est une activité sans dessein, un mouvement sans objet. On sent plus à Paris qu’on ne pense, on agit plus qu’on ne projette, on projette plus qu’on ne résout. On n’estime que les talens et les arts de goût ; à peine a-t-on l’idée des arts nécessaires, on en jouit sans les connoître.

Les liens du sang n’y décident de rien pour l’amitié ; ils n’imposent que des devoirs de dé-