Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/100

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amuser. Ils rioient ou applaudissoient tous avec tant d’excès au moindre mot qui se proféroit, que je crus de bonne foi que c’étoit ma faute si je n’admirois pas aussi. Je demandai à madame de Tonins la permission de lui faire souvent ma cour ; elle me l’accorda, et me pria même à souper pour le lendemain.

Madame de Tonins, pour se délivrer de l’importunité des devoirs et se donner une plus grande considération, jouoit la mauvaise santé, et en conséquence sortoit rarement de chez elle. Sa maison étoit le rendez-vous de tous ceux qu’elle avoit admis à l’honneur de lui faire leur cour. Je ne manquai pas de m’y rendre de bonne heure le lendemain. J’y trouvai à peu près la même compagnie que la veille ; les propos furent aussi les mêmes. Au bout d’une heure, je m’aperçus que la conversation languissoit ; je proposai une partie de jeu, moins par goût que par habitude de voir jouer. Madame de Tonins me dit que le jeu étoit absolument banni de chez elle ; qu’il ne convenoit qu’à ceux qui ne savent ni penser ni parler. C’est, ajouta-t-elle, un amusement que l’oisiveté et l’ignorance ont rendu nécessaire. Ce discours étoit fort sensé ; mais malheureusement madame de Tonins et sa société étoient, malgré tout leur esprit, souvent dans le cas d’avoir be-