Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/108

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société, et sur-tout de madame de Tonins, me dégoûtèrent bientôt et d’elle et du bel esprit. Ce fut alors que je commençai à connoître véritablement madame de Tonins, et sa petite cour. Je m’aperçus que chaque société, et sur-tout celles de bel esprit, croient composer le public, et que j’avois pris pour une approbation générale le sentiment de quelques personnes que les airs imposans et la confiance de madame de Tonins avoient prévenues et séduites. Le public, loin d’y applaudir, s’en moquoit hautement. Le droit usurpé de juger sans appel les hommes et les ouvrages, notre mépris affecté pour ceux qui réduisoient notre société à sa juste valeur, étoient autant d’objets qui excitoient la plaisanterie et la satire publiques. Outre ces ridicules que je partageois en communauté, on m’en donnoit encore de particuliers. On prétendoit que madame de Tonins, qui donnoit de l’esprit à qui il lui plaisoit, n’en pouvoit pas refuser à celui qui avoit l’honneur de ses bonnes grâces. D’ailleurs, notre société n’étoit pas moins ennuyeuse que ridicule ; j’étois étourdi et excédé de n’entendre parler d’autre chose que des comédies, opéras, acteurs et actrices. On a dit que le dictionnaire de l’opéra ne renfermoit pas plus de six cents mots ; celui des gens du monde est encore plus borné.