Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/120

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geusement de sa maîtresse : car il m’interrompit sur-le-champ. Je vois, me dit-il, que vous êtes aussi prévenu que les autres contre madame Dornal. Ne m’est-il pas permis d’avoir une maîtresse, et ne suis-je pas trop heureux d’en faire mon amie ? La pauvre madame Dornal est bien malheureuse, avec les sentimens nobles qu’elle a, de n’avoir que des ennemis. Vous êtes plus injuste qu’un autre à son égard, car elle vous aime, et je suis témoin qu’elle n’a rien oublié pour vous plaire.

Je laissai Senecé dire tout ce qu’il voulut, après quoi je repris en ces termes :

Vous savez que ma morale est celle d’un honnête homme et d’un homme du monde qui n’est jamais sévère sur l’amour. Puis-je trouver mauvais que vous soyez amoureux ? ce seroit reprocher à quelqu’un d’être malade. Quoique votre attachement paroisse ridicule, on ne doit que vous plaindre et non pas vous blâmer. N’est-on pas trop heureux, dites-vous, de trouver un ami dans sa maîtresse ? Oui, sans doute, et c’est le comble du bonheur de goûter avec la même personne les plaisirs de l’amour et les douceurs de l’amitié, d’y trouver à la fois une amante tendre et une amie sûre ; je ne désirerois pas d’autre félicité : malheureusement pour vous, c’est un état ou vous ne pouvez pas prétendre avec la