Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/129

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donnoit rendez-vous pour la nuit suivante ; elle y parloit de Senecé avec mépris, et me donnoit les assurances de l’amour le plus violent.

J’allai aussitôt chez Senecé ; je lui parlai de son voyage de Versailles avec un air d’intérêt d’autant plus suspect, que cela devoit m’être indifférent ; il y fit attention, et je le remarquai. Lorsque je l’eus amené au point que je désirois, je le quittai ; mais, en tirant mon mouchoir, je laissai tomber exprès le billet de la Dornal ; je vis que Senecé fut près de le ramasser, et qu’il n’attendit que je fusse sorti, que pour s’en saisir plus sûrement. Je ne doutai point de l’effet que ce billet produiroit sur lui, et je me préparai à mon rendez-vous, dont je n’avois assurément pas envie de profiter ; mais je croyois que l’unique moyen de détromper mon ami, étoit de paroître à ses yeux pousser l’aventure jusqu’à la dernière extrémité.

Je me rendis chez la Dornal sur le minuit, avec un air de mystère affecté. Senecé, qui y avoit soupeé, venoit d’en sortir. Il étoit monté en chaise comme pour se rendre à Versailles ; mais au bout de la rue il en étoit descendu, et revenu à pied à quatre pas de la maison, où je l’aperçus qui faisoit le guet. Je ne fis pas semblant de l’avoir vu, et j’entrai.