Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/156

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connu l’amour : c’est lui qui m’éclaire, et vous seule pouviez me l’inspirer. Je ne rapporterai point ici toute la suite du discours que je tins à madame de Selve ; il suffit de dire qu’il se réduisoit à l’assurer de l’amour le plus violent, et lui jurer une constance à toute épreuve.

Je n’eus pas plutôt fait cet aveu, que je redoutai sa réponse. Madame de Selve ne me marqua ni plaisir, ni colère ; mais elle me répondit avec sang-froid. L’habitude, me dit-elle, monsieur, où vous êtes de vous livrer au premier goût que vous sentez pour les femmes que vous voyez, vous fait croire que vous êtes amoureux ; peut-être même imaginez-vous que ces discours doivent s’adresser à toutes les femmes, et soient un devoir de votre état d’homme du monde. Quoi qu’il en soit, et sans vouloir soupçonner, votre sincérité, si vous sentez quelque goût pour moi, je vous conseille de ne vous y pas livrer ; vous ne seriez pas heureux d’aimer seul, et je ne voudrois pas risquer de me rendre malheureuse en y répondant. Eh ! quels malheurs, répliquai-je, envisagez-vous à partager les sentimens d’un honnête homme qui vous aimeroit uniquement ? Les plus grands, me répondit-elle, qui puissent arriver à une femme raisonnable. L’honnête homme dont vous parlez, et tel qu’on l’entend, est encore bien éloigne d’un amant parfait ; et