Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/159

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de ma passion, et j’attendois que le temps et ma constance lui fissent naître les sentimens que je désirois, ou plutôt que je pusse en obtenir l’aveu ; car je m’apercevois que je faisois chaque jour de nouveaux progrès dans son cœur. L’amour qui ne révolte pas d’abord, devient bientôt contagieux. Je passai trois mois avec elle sur ce ton-là ; j’étois étonné de ma constance : toute autre femme ne m’avoit jamais retenu si longtemps, ni en me rendant heureux, ni en me tenant rigueur. Comme il n’y avoit que les sens qui jusqu’alors m’eussent attaché aux femmes, le succès me refroidissoit bientôt, et la sévérité me rebutoit ; au lieu que l’amour et l’estime m’avoient fixé auprès de madame de Selve. Je n’étois occupé que du désir de lui plaire, elle m’y paroissoit sensible, et il ne me manquoit plus que d’obtenir cet aveu qui établit plus les droits d’un amant que toutes les bontés qu’on lui marque.

Madame de Selve m’avouait que mon caractère, qui l’avoit d’abord effrayée, lui convenoit parfaitement, et que j’aurois été le seul homme pour qui elle eût eu du penchant, si elle n’eût été en garde contre l’amour. Je faisois naître souvent ces conversations. Je voulus lui parler du comte de Selve, son mari, afin d’en prendre occasion de lui faire sentir la différence qu’il y a