ration, que je lui aurois fait par reconnoissance ce sacrifice, que je ne lui avois offert que par compassion pour la douleur qu’elle m’avoit fait voir. Je lui dis tout ce que l’amour et le respect m’inspirèrent ; je l’assurai qu’elle étoit maîtresse absolue de mon sort et de ma conduite. Je ne pouvois pas avoir un meilleur guide qu’un esprit aussi juste et un caractère aussi respectable.
Dès ce moment madame de Selve me parut plus tranquille, ou plutôt je m’aperçus qu’elle dissimuloit sa sensibilité pour ne pas trop exciter la mienne. Elle me dit qu’un homme de ma naissance n’avoit point d’autre parti à prendre et à suivre que celui des armes ; que c’étoit l’unique profession de la noblesse françoise, comme elle en étoit l’origine ; et qu’une femme qui oseroit inspirer d’autres sentimens à son amant, n’étoit digne que de servir à ses plaisirs, et non pas de remplir son cœur. Enfin, aussitôt qu’il fut question de mon devoir, la tendre madame de Selve disparut ; je trouvai en elle l’ami le plus sûr et le plus ferme. Quelque cruelle que l’absence dût être pour notre amour, j’étois charmé de trouver des sentimens si généreux ; ma passion en devint encore plus vive. Madame de Selve, comme je viens de le dire, m’avoit embrassé dans son-premier transport ; cette faveur m’enhardit à en exiger d’autres, et, quoique je ne