Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/193

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situation singulière où je vivois avec madame de Selve, qui ne me fît découvrir des nouvelles qualités dans son âme, et de nouveaux charmes dans son esprit, et qui ne servît à m’attacher à elle de plus en plus.

Le commerce qui étoit entre madame de Selve et moi, étoit assurément d’une espèce nouvelle. Je craignois quelquefois qu’il ne donnât atteinte aux sentimens qu’elle m’avoit juré de me conserver. J’en aurois été au désespoir ; son cœur m’étoit encore plus précieux que tous mes plaisirs.

L’indulgence, lui disois-je, que vous avez pour toutes mes intrigues de passage, ne peut venir que de votre indifférence. Il est sans doute bien bizarre que ce soit moi qui sois jaloux ; mais enfin je ne puis me défendre d’un peu de jalousie, lorsque je vous en vois si peu. Si vous me jugez innocent, vous ne vous croiriez pas bien coupable vous-même d’écouter un autre amant. Madame de Selve ne pouvoit s’empêcher de rire de ma jalousie.

Ce ne seroit pas, me répondit-elle, votre conduite qui devroit me donner des scrupules, si j’avois des complaisances pour quelqu’autre que pour vous ; mais vous pouvez vous rassurer. Rien n’égalait mon bonheur lorsque j’étois l’unique objet de vos empressemens ; mais j’aime encore