Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/205

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vec le jeune marquis de Saint-Géran, son cousin. L’habitude de se voir, la conformité de caractère, la jeunesse et les agrémens qui leur étoient communs, avoient fait naître entr’eux l’inclination la plus forte ; ils la sentoient, ils ne la connoissoient pas ; ils croyoient obéir à la force du sang ; mais ils ne furent pas plutôt sépares qu’ils s’aperçurent en même temps qu’ils se manquoient l’un à l’autre. Ils trouvèrent un vide dans leur cœur ; ils en soupirèrent ; ils désirèrent de se revoir ; ils se revirent ; le sang qui les unissoit étoit un prétexte naturel. Mais cette vue, qui étoit pour eux autrefois un plaisir aussi tranquille que vif, sembloit alors augmenter leur chagrin. Ils se regardoient en rougissant. Les mêmes sentimens donnent les mêmes idées : ils n’osoient se parler, mais ils s’entendirent. Malgré les plaisirs et les dissipations qu’on s’empresse de procurer aux nouvelles mariées, madame de Luz fut assez triste. Le baron de Luz, qui ne connoissoit pas encore sa femme, attribua sa mélancolie à un caractère sérieux ; il n’en fut pas fâché, ces caractères suppléent quelquefois à l’âge.

Le marquis de Saint-Géran continuoit toujours de voir sa cousine. Le monde qui se trouvoit chez elle, empêchoit qu’on ne remarquât l’embarras qu’ils avoient l’un avec l’autre ; mais enfin ils se