Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/58

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je me trouvai bientôt emporté dans la vie la plus turbulente ; mais la destinée me conduisoit à tout voir, et ma facilité naturelle l’engageoit à me prêter à tous les goûts.

Quand une partie manquoit, il falloit absolument en substituer une autre ; c’étoit alors que l’imagination de madame de Persigny travailloit, que les messages couroient, et qu’il étoit indispensablement nécessaire de trouver de quoi remplir un intervalle qui se trouvoit vide. La crainte de l’ennui étoit un ennui pour elle : c’étoit lorsqu’il falloit remplacer une partie, qu’elle devenoit caressante ; son esprit étoit insinuant, et c’est avec ce caractère que la femme la plus extravagante fait approuver et partager aux hommes toutes les folies qui lui passent par la tête. J’obtins tout ce que je désirois dans une circonstance pareille ; mais, après m’avoir tout accordé, elle ne m’en parut pas plus attachée à moi. Les rendez-vous qu’elle me donnoit, étoient presque toujours en l’air. Un souper tête à tête dans une petite maison lui paroissoit toujours trop long ; il falloit se contenter d’y aller passer quelques momens. L’envie de s’y rendre lui prenoit au moment que je m’y attendois le moins ; ainsi, je m’accoutumai à recevoir à sa toilette mes rendez-vous les plus ordinaires, parce qu’elle avoit remarqué qu’ils lui prenoient moins de temps.