Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/77

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comptant m’y ennuyer, et je m’y amusai beaucoup. Je fis connoissance avec madame Pichon ; elle étoit jeune et jolie, vive et même un peu brusque, et ce qu’on appelle dans le bourgeois une bonne grosse maman. On la vouloit avoir dans tous les repas qui se donnoient dans son quartier ; elle chantoit, elle sgaçoit, elle avoit la repartie prompte, plus libre que délicate, et le plus long souper n’altéroit en aucune façon sa raison. J’imaginai que le nôtre ne s’étoit poussé fort avant dans la nuit qu’en ma considération ; la suite me fit voir que c’étoit l’ordinaire de la maison. J’eus envie d’avoir madame Pichon ; et, pour y parvenir, je fus obligé de me soumettre à ses parties, et de me livrer à sa société. Madame Pichon étoit portée à une hauteur naturelle à toutes les femmes, et qui se manifeste suivant leurs différens états. Elle me dit que c’eût été la mépriser que de se cacher de l’avoir, et qu’elle étoit assez jolie pour être aimée ; que, si cela ne me convenoit pas, elle s’étoit bien passée jusqu’ici d’un homme de condition, et qu’elle vouloit avoir son amant dans l’arrière de sa boutique, à sa campagne et chez ses amies ; qu’elle n’avoit enfin à rendre compte de sa conduite à personne qu’à son mari, à qui elle n’en rendoit point. Il fallut donc que je fusse de toutes ses parties de ville et de campagne, et que j’eusse