Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/80

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prévu mes arrangemens ; mais elle m’avoit donné un successeur pendant mon absence. Je fus piqué d’avoir été prévenu. Quoique je ne sentisse plus de goût pour elle, et que je fusse déterminé à rompre, je ne l’aurois fait qu’avec les ménagemens que j’ai toujours eus pour les femmes ; mais je crus devoir me venger. Je ne négligeai rien pour renouer, bien résolu de la quitter après avec éclat. J’allai la trouver ; elle venoit d’avoir avec son nouvel amant un de ces caprices que je lui connoissois : il étoit sorti piqué ; la circonstance étoit favorable ; elle me reçut au mieux, et nous soupâmes ensemble. Le lendemain je la menai à l’opéra en grande loge, et trois jours après je la quittai authentiquement. Elle en eut un dépit qu’elle ne m’a jamais pardonné, et que je lui pardonne volontiers ; je me suis même reproché ce procédé que je n’aurois pas eu, si je n’eusse été emporté par un mouvement de fatuité. Je n’eus pas plutôt terminé cette affaire-là que je songeai à d’autres.

Un jeune homme à la mode, car j’en avois déjà la réputation, se croiroit déshonoré s’il demeuroit quinze jours sans intrigue, et sans voir le public occupé de lui. Pour ne pas rester oisif, et conserver ma réputation, j’attaquai dix femmes à la fois ; j’écrivis à toutes celles dont les noms me revinrent dans la mémoire. Cette façon de com-