Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/85

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quittai aussi malhonnêtement que je l’avois prise.

C’est l’usage parmi les amans de profession, d’éviter de rompre totalement avec celles qu’on cesse d’aimer. On en prend de nouvelles, et on tâche de conserver les anciennes ; mais on doit sur-tout songer à augmenter la liste. J’étois trop enivré des erreurs du bon air, pour avoir négligé un point aussi essentiel ; ainsi j’avois toujours quelque ancienne maîtresse qui me recevoit sans façon, lorsque je me trouvois sans affaire réglée. Ces femmes de réserve sont de celles que l’on a sans soins, qu’on perd sans se brouiller, et qui ne méritent pas d’article séparé dans ces mémoires.

Comme je n’avois quitté madame de Vignolles que pour satisfaire à l’opinion publique, je songeai à la remplacer dignement, pour me réconcilier avec le public, et mon choix tomba sur madame de Lery. Elle n’avoit d’autre beauté que des yeux pleins d’esprit et de feu ; mais elle passoit pour sage, et l’étoit en effet avec un fonds de coquetterie inépuisable.

Je la trouvai au bal de l’opéra, qui étoit alors dans sa nouveauté, et peut-être le plus sage établissement de police qui se soit fait dans la régence, parce qu’il fit cesser les assemblées particulières, où il arrivoit souvent du désordre. Je