Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/89

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çu dans les cabarets avec les hommes. Je me prêtai d’abord aux mœurs angloises ; j’appris la langue ; je convins du frivole dont on nous accuse, et je réussis assez pour un François.

Les plaisirs des Anglois, en général, sont tournés du côté d’une débauche qui a peu d’agrément, et leur plaisanterie ne nous paroîtroit pas légère. Les femmes ne sont pas, comme en France, le principal objet de l’attention des hommes, et l’âme de la société.

Je fis connoissance avec milady B***. Elle étoit parfaitement bien faite, et sa fierté, jointe à un grand air de dédain, après m’avoir révolté, me piqua. Je sentis qu’il falloit se conduire avec art, et cacher mes véritables sentimens à une femme d’un tel caractère. Je commençai par chercher à mériter sa conversation, en retranchant les bagatelles qui sont nécessaires auprès de nos Francoises. Je cherchai la simple expression du sentiment ; je lui donnai un air dogmatique, et bientôt milady B*** prit plaisir à s’entretenir avec moi. La première faveur qu’elle m’accorda, fut celle de me parler françois, ce qu’elle n’avoit pas encore voulu faire ; mais elle n’en conserva pas moins son air froid et imposant. Je ne lui marquois point d’empressements ; je sentois qu’ils ne convenoient pas, sur-tout ne la voyant jamais en particulier. Je passai plus de