Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/102

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au profit des Belges, on conviendra sans doute que les traités de 1839 ne pouvaient guère être autre chose que ce qu’ils furent. Rien ne prouve que l’arrangement plus avantageux prévu par les XVIII articles eût été réalisable. Il faut tenir compte, au surplus, des craintes que la France continuait d’inspirer, non seulement aux trois Puissances absolutistes, mais aussi à l’Angleterre. Laisser à la Belgique des forteresses de premier ordre comme l’étaient Maestricht et Luxembourg, c’était risquer de les faire tomber au pouvoir de la France en cas de guerre. La neutralité garantie au pays ne paraissait pas, à une Europe toujours hantée des souvenirs de la République et de Napoléon, une sauvegarde suffisante. On soupçonnait d’ailleurs les Belges de tendances francophiles et de n’être point très enthousiastes de cette neutralité qu’on leur avait imposée. On ne voulait pas remarquer qu’il y avait quelque contradiction entre le fait de les proclamer neutres et celui de leur donner des frontières qui, le cas échéant, ne leur eussent pas permis de résister efficacement à une agression de la Hollande ou de l’Allemagne. C’est qu’au fond, leur neutralité n’était qu’une précaution prise contre la France. Il était donc pratique et ingénieux de laisser la Belgique ouverte au Nord et à l’Est : il suffisait qu’elle fût solidement remparée au Sud, et elle l’était. La convention des forteresses, à laquelle Léopold avait dû consentir le 14 décembre 1831, donnait de ce côté tous les apaisements désirables, puisqu’elle autorisait, dans l’éventualité d’une guerre, les troupes de l’Angleterre et des Puissances du Nord à occuper ceux des ouvrages conservés de la barrière élevée en 1815 contre la France.

Les traités de 1839 laissaient à la Belgique le soin de s’entendre avec la Hollande sur les détails de leur exécution. Plein de rancœur contre son peuple et contre les Puissances qu’il accusait de l’avoir abandonné, le vieux roi Guillaume s’épargna le dégoût de traiter d’égal à égal avec ses anciens sujets. Le 7 octobre 1840, il abdiquait inopinément pour épouser quelque temps après une dame d’honneur de sa première femme, la comtesse Adrienne d’Oultremont. C’est avec cette compagne qui, par une singulière ironie du sort, était d’origine