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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/105

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Depuis le début de son règne il n’avait cessé de correspondre avec lui, cherchant à l’amadouer en le rassurant sur les progrès du pouvoir monarchique et sur la disparition de l’esprit républicain et des tendances francophiles parmi ses sujets, réclamant même son appui auprès de Rome pour obtenir la nomination à Bruxelles d’un nonce capable de modérer les allures démocratiques du clergé[1]. Le grand homme se laissait courtiser avec une complaisance qui ne l’empêchait pas de faire sentir la férule. Lors de la crise de 1839, la nomination des officiers polonais lui avait fait rappeler, de même que la Prusse, son ministre en Belgique, et il l’avait pris de si haut que le roi avait été jusqu’à parler d’abdication. Bref, si le cabinet de Vienne pouvait avoir quelque complaisance pour la personne de Léopold, il était évident qu’à l’égard du peuple et de la constitution belge son antipathie restait insurmontable.

Celle de la Prusse ne l’était pas moins. En 1842, Frédéric-Guillaume IV affirmait à Stockmar que le royaume de Belgique durerait à peine deux générations, qu’à moins d’entrer dans la Confédération germanique, il serait absorbé par la France, que le roi n’était qu’un instrument de Louis-Philippe, qu’au surplus l’armée belge n’avait aucune valeur militaire et que la nation turbulente, grossière, capricieuse et rebelle était ingouvernable[2]. Sans doute exhalait-il, en parlant ainsi, la rancune que lui inspiraient les soupçons de Léopold à l’égard de la Prusse. Il ne pouvait ignorer sa répugnance pour la politique agressive de cette Puissance et pour ses visées d’unifier la nation allemande au nom du germanisme. Entre les deux souverains la mésentente s’aggravait de l’antagonisme de leurs principes et de cette brutalité prussienne dont Léopold se plaignait plaisamment de ne recevoir que des coups de pied. Au reste, il ne rencontrait pas plus d’aménité chez les princes allemands, qui ne pardonnaient pas à un

  1. Sur les relations de Léopold avec Metternich, voy. surtout Corti, op. cit., particulièrement pp. 50, 56, 65, 95.
  2. Stockmar, op. cit., p. 378.