Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/108

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tembre 1841. Elles ne pouvaient d’ailleurs aboutir. D’une part, les usiniers du Nord faisaient front contre le péril auquel les aurait exposés la concurrence belge ; d’autre part, il était évident que l’union douanière telle que la concevait le Cabinet de Paris ne visait qu’à préparer l’absorption politique. L’Angleterre, qui venait de rompre avec la France et de reconstituer contre elle, par le traité du 15 juillet 1840, l’union des Puissances, faisait d’ailleurs entendre des remontrances menaçantes. Le ministère comprit que, dans la crise européenne qui venait de s’ouvrir, le moment était venu d’affirmer la neutralité belge et, pour ainsi dire, de lui donner corps en la faisant passer de la théorie à la pratique. La conduite qu’il adopta alors devait faire précédent et inaugurer la politique à laquelle le pays resta inébranlablement fidèle jusqu’à la grande guerre de 1914.

La tâche était malaisée et périlleuse. Le roi y donna une preuve éclatante de son tact et de sa claire conscience du double devoir que lui imposaient ses obligations, tant à l’égard de la Belgique qu’à l’égard de l’Europe. En cet instant décisif, rien n’était plus confus que la notion même de cette neutralité que la Conférence de Londres avait imposée et garantie sans la définir. Tandis que la France ne la concevait que comme un expédient grâce auquel la Belgique la couvrait sur ses frontières du Nord, les autres Puissances, au contraire, la considéraient comme une barrière élevée à leur profit contre la France. Bref, celles-ci comme celle-là ne l’envisageaient qu’en fonction de l’Europe, que comme une question d’équilibre international. Ce fut l’originalité et l’honneur de Léopold Ier que de l’avoir fait, en même temps, apparaître comme une question belge. Il se saisit de l’occasion de prouver que la Belgique n’était ni un satellite de la France, ni une tête de pont contre la France, et qu’elle interprétait sa neutralité comme une sauvegarde tout à la fois de son indépendance et de la paix générale.

Dès les premiers symptômes du refroidissement de l’Angleterre à l’égard de la France, il avait, en appelant Joseph Lebeau au ministère des Affaires étrangères, le 18 avril 1840, indiqué qu’il n’entendait point se subordonner à la politique du Cabinet