Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/151

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foncière fut voté d’enthousiasme. Cette unanimité garantissait l’avenir. Le même jour, une circulaire adressée aux gouverneurs des provinces attestait la confiance et le calme. Pas la moindre allusion à la nécessité de recourir à des mesures extraordinaires. Le régime constitutionnel ne devait pas subir la plus légère atteinte. Il suffisait de surveiller avec soin les étrangers et de vérifier rigoureusement leurs passeports pour sauvegarder la tranquillité publique. Le gouvernement comptait sur le zèle des autorités communales. Il terminait en disant avec une belle assurance qu’il n’avait pas d’ailleurs d’instructions spéciales à donner. Jusqu’à la fin de la crise, les institutions ne devaient pas cesser de fonctionner avec leur régularité accoutumée. Pas un instant il ne fut question de recourir à l’état de siège. Dans les villes, la garde civique convoquée par les bourgmestres suffit au maintien de l’ordre. Par prudence quelques étrangers furent expulsés.

À la distance où nous sommes aujourd’hui des événements, il paraît infiniment probable que l’union patriotique des partis et la sagesse qui détourna le gouvernement de prendre des mesures préventives que l’on eût interprétées aussitôt comme des preuves de peur ou de faiblesse, eussent suffi pour empêcher des troubles. Mais la question de l’extension du droit de suffrage était posée. Le ministère lui-même avait formulé à cet égard, un timide projet de loi. Le parti libéral qui l’avait porté au pouvoir renfermait de nombreux « avancés » qui, se réclamant du congrès de 1846, exigeaient l’élargissement du droit électoral jusqu’aux extrêmes limites de la constitution[1]. Dans les circonstances que l’on traversait, ne convenait-il pas de leur enlever ce prétexte d’agitation et d’aller au devant de leurs vœux ? L’opposition obstinée de Guizot aux partisans de la « réforme » n’avait-elle pas été en France la cause de cette révolution dont il s’agissait de préserver le pays ?

Malgré les appréhensions de Frère-Orban et de plusieurs de ses collègues, Rogier persuada le roi et le Cabinet. Le 28 février, il proposait au Parlement d’abaisser indistinctement pour

  1. Voy. plus haut, p. 111.