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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/30

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Il fallait évidemment offrir le trône à un étranger et c’était courir droit au conflit avec l’Europe.

Quelques catholiques avaient pensé tout de suite à l’archiduc Charles d’Autriche, revenant ainsi, par delà le royaume des Pays-Bas et la période française, à la dynastie qui avait régné sur le pays depuis le traité d’Utrecht. Mais la cour de Vienne se désintéressait de cette combinaison contre laquelle d’ailleurs la France n’eût pas manqué de protester si elle avait présenté quelques chances de succès. Le nom du prince Léopold de Saxe-Cobourg, prononcé un instant avec faveur, fut écarté devant la répugnance du cabinet de Paris. Aux yeux de la grande majorité des Belges, qui depuis l’origine de la révolution se sentaient ou croyaient se sentir soutenus par la France, un candidat français était seul possible. Un petit nombre de démocrates eussent volontiers proposé Lafayette, si Lafayette s’y était prêté. Mais bientôt ce fut entre le fils d’Eugène Beauharnais, Auguste de Leuchtenberg, et le duc de Nemours, second fils de Louis-Philippe, que se répartirent les préférences et les intrigues.

Personne cependant ne les connaissait. Bien plus même, ni l’un ni l’autre n’avaient fait la moindre démarche pour se recommander aux votes du Congrès. Manifestement leurs candidatures n’étaient que le résultat de machinations élaborées à Paris au sein des groupes politiques qui s’efforçaient d’utiliser la révolution belge au profit de la France. De l’intérêt même de la Belgique, ceux qui les avaient mis en avant ne se souciaient pas le moins du monde. C’était proprement une dérision que de proposer à ce pays en pleine crise deux adolescents dont le premier, Leuchtenberg, avait à peine vingt ans, et dont l’autre, Nemours, en avait seize. En réalité, les candidats au trône que l’on suggérait aux Belges, n’étaient que des symboles politiques. Il ne s’agissait point de leurs personnes, mais de la signification qu’on leur donnait. Voter pour Leuchtenberg, ce serait adhérer à la politique que l’opposition bonapartiste menait à Paris contre le gouvernement de Louis-Philippe. Voter pour Nemours, au contraire, ce serait affermir la monarchie de juillet en la parant d’un prestige dont elle man-