Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/36

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efforts de ses partisans, dirigés de Paris par les Exelmans, les Fabvier, les Lallemand, lui gagnaient rapidement la faveur des masses. La Belgique était inondée de ses portraits qui excitaient l’émotion des femmes et ravivaient l’enthousiasme des anciens soldats de Napoléon ; il paraissait glorieux de se donner comme souverain le fils de ce prince Eugène dont le souvenir s’auréolait d’une légende d’héroïsme et de loyauté ; déjà le bruit se répandait que quatre jours après son élection le jeune duc entrerait dans la capitale.

N’osant soutenir contre lui la candidature de Nemours, Louis-Philippe suggérait vainement tantôt le nom du prince Charles de Naples, neveu de sa femme, tantôt celui d’Otton de Bavière, un enfant de quinze ans, auquel il aurait donné en mariage une de ses filles. Personne ne se laissait détourner par ces pis-aller. Cependant le temps passait. Le 11 janvier, la discussion sur le choix d’un roi s’était ouverte au Congrès. Le 19, Lebeau avait proposé la candidature de Leuchtenberg ; le 25, celle de Nemours lui avait été opposée. La lutte était donc circonscrite entre ces deux noms. Le malheureux Louis-Philippe allait-il être contraint de soutenir la cause de son propre fils au mépris de sa parole donnée à l’Europe et au risque, qui lui faisait horreur, de provoquer une nouvelle guerre de la succession d’Espagne ? Dans son angoisse, il se résigna à jouer les Belges.

Rien n’était plus facile. L’exaspération que la communication des bases de séparation venait de soulever au Congrès, ne permettait plus ni retenue ni prudence. Se croyant trahis par la Conférence, beaucoup de ses membres ne songeaient plus qu’à se jeter dans les bras de la France et à combattre avec elle. L’élection de Nemours assurerait certainement son alliance. L’agent français à Bruxelles, Bresson, prit sur lui de hâter la solution. Le 28 janvier, il partait « à toute bride » pour Paris, y exposait le lendemain « au point du jour » la situation à Louis-Philippe et recevait la permission d’agir à sa guise, quitte à être désavoué après l’événement. De retour à Bruxelles, il faisait semer le bruit que le roi accepterait la couronne pour son fils. Le matin même de l’élection, le 3 février,