Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/47

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prendrait à sa charge celles qu’elle supportait avant 1815 ; le reste serait réparti selon une juste proportion.

Le même jour, à 9 heures du soir, Léopold acceptait la couronne de Belgique devant la députation du Congrès à condition que celui-ci ratifiât la convention élaborée après tant d’efforts. À Bruxelles, les concessions des délégués soulevèrent une dernière tempête. Il put sembler un instant que tout allait être remis en question. Sur le point d’aboutir, le Congrès ne pouvait se résigner à « vendre ses frères ». Les tribunes bondées applaudissaient à tout rompre les orateurs qui exigeaient la guerre plutôt qu’une telle honte. On sifflait les partisans de la résignation. De Paris, une fois de plus, la presse républicaine soufflait sur le feu. Enfin, le 5 juillet, Lebeau prit la parole. Avec une éloquence faite de sa conviction, il montra le sort des XVIII articles lié au sort même de l’indépendance nationale. Sans doute si l’on courait aux armes plutôt que de se résigner à leur adoption, on pouvait espérer le secours de la France. Ce secours provoquerait un conflit européen et la Belgique qui l’aurait déchaîné en serait la victime, car elle n’aurait à attendre en cas de victoire, qu’une annexion, en cas de défaite, qu’une restauration. Sur cette assemblée que l’union des partis affranchissait de la discipline tyrannique que leur désaccord eût peut-être imposée aux votes, cet émouvant appel au bon sens et au patriotisme fit merveille. L’orateur épuisé se rassit dans le bruit des acclamations. La lumière de la raison dissipait les fumées du sentiment. La cause était gagnée. La discussion se prolongea encore quatre jours à travers des redites. Le 9 juillet, le Congrès ratifiait le texte des XVIII articles par 126 voix contre 70.

Une semaine plus tard, le 17, Léopold arrivant de Calais, mettait le pied sur le sol belge à La Panne par un temps splendide. Jusqu’à Bruxelles, il voyagea au milieu de l’enthousiasme populaire, accueilli aux sons de la Brabançonne, passant sous les arcs de triomphe et sous le déploiement des drapeaux tricolores. Seuls, dans les villes qu’il traversa, les hôtels de l’aristocratie et ceux des industriels orangistes témoignaient par leurs fenêtres closes de la bouderie de leurs habitants.