Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/49

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Conférence n’avait attaché aucune importance à cette menace. Il ne lui paraissait pas possible que le roi de Hollande s’insurgeât contre la volonté unanime des Puissances. En supposant d’ailleurs qu’il le fît, ce ne serait qu’une incartade sans lendemain. Il était trop tard pour troubler la paix générale puisqu’enfin l’Europe était d’accord sur la reconnaissance de la Belgique. Mais Guillaume savait, d’autre part, qu’il ne risquerait rien en prenant les armes. Vainqueur, il pouvait espérer replonger dans l’anarchie cette Belgique qu’il voyait avec fureur lui échapper ; vaincu, il en serait quitte pour accepter au pis-aller ces XVIII articles qu’il considérait comme une perfidie de la Conférence à son égard. Il se sentait d’ailleurs en mesure de venger sur les Belges ses humiliations de l’année précédente. Il avait reconstitué avec soin son armée et il n’avait pas en vain fait appel à son peuple. La nation hollandaise souhaitait ardemment châtier les « émeutiers » du Sud. Les étudiants des universités avaient formé des bataillons de volontaires. L’ensemble des troupes rassemblées dans le Brabant septentrional sous couleur de protéger la frontière, se montait à 50.000 hommes, sous le commandement du prince d’Orange assisté de chefs tels que Constant de Rebecque et Bernard de Saxe-Weimar.

À ces forces, les Belges ne pouvaient opposer qu’un amas de régiments aussi mal équipés que mal commandés, quelques corps de volontaires indisciplinés, et une garde-civique à peine armée. Le Congrès si belliqueux en paroles, n’avait rien fait pour se préparer à la guerre dont il agaçait constamment l’Europe. Les faciles succès remportés en septembre lui faisaient croire que l’enthousiasme révolutionnaire suffirait à mettre l’ennemi à la raison. Se défiant d’ailleurs des officiers de carrière passés à son service, il avait laissé naître et se développer parmi eux un mécontentement dont les Orangistes, on l’a vu, avaient su profiter. Telle était pourtant l’imprévoyance générale, que les conspirations militaires avaient à peine inquiété l’opinion. Rien n’avait été fait, ni pour le moral, ni pour le matériel de l’armée. De plus en plus elle se dissolvait dans le sentiment de son abandon et sous l’influence de la corruption