Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Angleterre. Sa douleur à la mort de sa femme lui avait concilié la sympathie de l’aristocratie anglaise. Le Parlement lui avait voté une rente à vie de 50,000 livres sterling. Sa situation s’était encore rehaussée du mariage de sa sœur, la princesse de Leiningen, avec le duc de Kent. L’enfant né de cette union, la princesse Victoria, se trouvant depuis la mort de Charlotte, héritière de la couronne britannique, on s’attendait à voir Léopold, sous le futur règne, jouir d’une influence de premier ordre.

De nouvelles perspectives lui furent ouvertes par l’offre du trône de Grèce au mois de février 1830. Impatient de jouer un rôle, il accepta la chance qui se présentait. Elle le déçut assez amèrement. Convaincu bientôt de l’impossibilité d’organiser un royaume déchiré par les partis, il se décidait avec sagesse à renoncer (21 mai) à la tâche qu’il avait assumée non sans quelque précipitation. La révolution belge vint à point nommé donner enfin un but précis à ses ambitions. Il avait été question de lui dès le mois de novembre 1830, comme de tant d’autres. Mais les Belges ignoraient jusqu’à son nom et les Puissances ne songeaient qu’au prince d’Orange. Ce n’est qu’après l’échec de Nemours qu’il apparut comme l’homme indispensable. Sa candidature fut certainement pour beaucoup dans le revirement de l’Angleterre à l’égard des Belges. Elle était d’autant plus agréable à Palmerston que les sympathies du prince allaient au parti whig. Décidé cette fois à réussir, Léopold prit une part très active aux pourparlers dont sortit enfin l’arrangement des XVIII articles. Lorsque, quelques semaines plus tard, les délégués du Congrès vinrent lui offrir la couronne, il leur apparut que ce roi qu’ils venaient d’élire était vraiment un roi.

Il était alors, à l’âge de quarante-et-un ans, dans la pleine maturité du corps et de l’esprit. De la radieuse beauté de sa jeunesse, il conservait une noblesse de traits qui donnait à son visage un peu amer, un profil de médaille. Un tact parfait tempérait de bienveillance et de bonne grâce la dignité légèrement froide et hautaine de son attitude. Dès le premier abord il fit la conquête des délégués. Le soir même, l’un d’eux,