Conseil. De parti pris, il vécut à l’écart au milieu de conseillers intimes, Jules van Praet, Jules Devaux, Édouard Conway, dont il distingua tout de suite le talent et qui répondirent à sa confiance par leur dévoûment.
À travers eux, il correspondait avec ses ministres, s’isolant pour mieux garantir son indépendance. Il voulut être riche pour ne point dépendre de la nation. La grande fortune que d’habiles placements lui firent réaliser lui permit de ne pas dépendre de la liste civile ce qui, disait-il, donne un peu aux princes une apparence de mendiants[1]. Correct en toute occasion, mais froid par calcul plus encore peut-être que par nature, il exerça donc un pouvoir qui de plus en plus imprégna l’État sans qu’on pût se rendre compte de sa source. Les réactionnaires de Vienne qui le taxaient « d’automate constitutionnel » se trompaient grossièrement[2]. Scrupuleusement fidèle à la constitution, il la laissa fonctionner en ne s’y réservant, si l’on peut employer cette comparaison, que le rôle modeste en apparence, mais essentiel, du régulateur dans une machine. Par cela même qu’elle se cachait, son intervention dans les affaires fut plus constante et plus profonde. « Je suis convaincu, a écrit Guizot qui le connut bien, que le roi Léopold, infiniment plus prudent et plus réservé dans son attitude et dans son langage, a exercé dans le gouvernement de la Belgique, au dedans et au dehors, plus d’influence personnelle que le roi Louis-Philippe dans celui de la France ; mais l’un en évitait avec soin l’apparence, tandis que l’autre se montrait toujours préoccupé de la crainte que justice ne fût pas rendue à ses desseins et à ses efforts »[3].
Roi constitutionnel par nécessité, Léopold Ier fut par goût un roi diplomate. S’il abandonnait volontiers l’administration
- ↑ Ernst von Sachsen Coburg, Aus meinem Leben und aus meiner Zelt, t. I. p. 229 (Berlin, 1887).
- ↑ Dietrichstein dit de lui, en 1834, qu’il n’est qu’un automate constitutionnel dont les mouvements sont tour à tour dirigés par les exigences de l’intérieur et les impulsions du dehors. A. De Ridder dans Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 1928, p. 272.
- ↑ Guizot, Mémoires, t. VIII, p. 95.