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Parmi le peuple, soumis à l’influence du clergé, leur propagande et leurs complots ne pouvaient aboutir qu’à des réactions brutales. Au mois d’août 1831, à Tournai, les ouvriers et les petits bourgeois menaçaient de les pendre à la lanterne[1]. La manifestation assez innocente organisée en 1834 pour racheter les chevaux du prince d’Orange mis en vente lors de la liquidation du séquestre du domaine de Tervueren, provoqua en mars un sursaut de fureur à Bruxelles. Le peuple saccagea plusieurs hôtels de nobles compromis par leur souscription, sous le regard des troupes qui le laissèrent faire[2].

Il put sembler un moment que les masses, excitées par des agitateurs étrangers, allaient tourner leur rage contre les industriels et les capitalistes qui, aux yeux de beaucoup, se confondaient avec les Orangistes. La misère des ouvriers, que ceux-ci avaient imprudemment déchaînée, se reportait sur eux. Dans leur espoir de fomenter l’anarchie, il leur était arrivé de prôner la république, et voilà que les républicains descendaient dans la rue et les débordaient[3]. À la suite de cette alerte, on surprend parmi eux les traces significatives d’un découragement auquel contribua sans doute la loi que les Chambres se décidèrent enfin à voter le 25 juillet 1834 contre les menées orangistes. L’année suivante, des chefs du mouvement avouaient à Loebell qu’ils ne comptaient plus que sur une guerre générale pour réussir[4]. La société orangiste

  1. Archives du tribunal de Tournai, dossier du 10 septembre 1831.
  2. Cette manifestation, inspirée par l’achat du château de Chambord par les légitimistes français pour l’offrir au comte de Bordeaux, avait été organisée par la haute noblesse, très hostile à la révolution. La marquise de Trazegnies tirait la langue sur le passage de Léopold, et les de Ligne, les d’Ursel, les Lalaing refusaient d’aller à la cour. Voy. De Ridder, Bulletin de la Commission royale d’histoire, 1928, p. 248. Sur l’émeute de 1834, voy. Mérode, Souvenirs, t. II, p. 294 ; De Ridder, loc, cit., pp. 291 et suiv., 378 et suiv.
  3. Le ministre anglais à Bruxelles, Robert Adair, croyait que le mouvement se rattachait à un plan révolutionnaire européen. De Ridder, loc. cit., p. 400.
  4. Loebell, Reisebriefe aus Belgien, p. 323. Il ajoute : « Ich glaube dass man ohne Prophet zu sein voraussagen kann, dass sie von Jahr zu Jahr immer schwächer werden ». Le ministre autrichien Dietrichstein constate dès 1834 que l’orangisme n’a pas de racines dans le pays. De Ridder, loc. cit., p. 290.