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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 7.djvu/95

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l’Escaut, et Lebeau, dans son fameux discours sur les XVIII articles, avait fait allusion à la possibilité de suppléer par des chemins de fer à la rupture des communications avec la Hollande[1]. On savait au surplus qu’un chemin de fer fonctionnait en France entre Roanne et Saint-Étienne et un autre en Allemagne entre Fürth et Nuremberg. Mais la Belgique en 1834 fit tout autre chose que suivre l’exemple de l’étranger. La première, elle comprit l’avenir réservé à une invention dont personne encore ne prévoyait le rôle futur et, avec une audace étonnante, elle résolut de l’appliquer suivant un plan d’ensemble et d’en faire l’instrument essentiel de sa renaissance économique[2]. Les souvenirs du passé contribuèrent en ceci avec la claire intelligence des possibilités du progrès. On se rappelait que sous Albert et Isabelle, la fermeture de l’Escaut avait fait naître l’idée de ranimer le transit éteint par le creusement d’un système de canaux orientés vers l’Allemagne, et que ce projet avait reparu sous le gouvernement de Maximilien-Emmanuel[3]. C’est à lui encore que le salut public contraignit le pays à revenir après la Révolution, mais sous une forme modernisée remplaçant les voies d’eau par des voies de fer.

Comme jadis, le but essentiel de l’entreprise était d’attirer vers la Belgique le trafic de ses voisins. De Malines, choisi comme centre du réseau, une ligne devait filer vers l’Allemagne, une autre vers Ostende, une troisième vers Anvers, une quatrième enfin vers la France. L’œuvre était trop considérable pour l’initiative privée. Seul l’État pouvait en venir à bout, et le bon sens l’emportant sur les répugnances qu’inspirait son ingérence, on se résigna à lui abandonner une tâche, dont personne n’eût osé affronter les responsabilités et qu’on se réser-

  1. Il avait été question à la Chambre, dès 1831, de la construction, par l’État, d’une ligne directe d’Anvers à Cologne. L. Hymans, Histoire parlementaire, t. I, p. 22. Nothomb y avait fait allusion au Congrès, le 30 mai 1831. Huyttens, op. cit., t. III, p. 176.
  2. Sur ce « magnificent project », voy. J. H. Clapham, The economic development of France and Germany, p. 141 (Cambridge, 1921).
  3. Histoire de Belgique, t. IV, 2e édit., p. 435, t. V, 2e édit., p. 63 et suiv.