Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/186

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d’importance qu’au xiiie siècle. Ainsi, le spectacle général est celui de deux grands foyers, Italie et Pays-Bas, c’est-à-dire Belgique, où les plus grandes villes se trouvent et avec lesquelles tous les centres importants sont en communication. Le mouvement de la Baltique gravite vers Bruges, comme celui de l’Allemagne du sud vers l’Italie.

Mais, entre les grands centres commerciaux, qu’ils soient d’importance locale ou générale, se constituent une foule de petites villes secondaires à l’exemple des grandes, et qui vivent sous le même droit qu’elles. Il est indispensable que chaque région ait maintenant son petit centre urbain. La désorganisation du système domanial et l’apparition de paysans libres appellent nécessairement, pour remplacer les cours où se fournissait la population servile, de petits bourgs, asiles d’artisans et centres de commerce de la région. La vie urbaine leur est spontanément donnée par les grandes villes. Il se fonde des villes neuves. En Allemagne, les deux Fribourg sont devenus des centres importants. Une foule d’autres ont vécu doucement d’une vie mi-urbaine, mi-agricole ; Creuzburg, où j’écris ceci, a reçu sa charte en 1213. Ce sont des villes de seconde formation, appartenant à une époque où la bourgeoisie s’est imposée, et où les princes, poussés par l’intérêt qu’ils y trouvent, l’implantent partout. Jadis le voyageur allait de monastère en monastère ; il va maintenant de ville en ville ; il y en a sur toutes les routes, à quelques lieux de distance, formant la transition entre les grosses villes, comme les petits grains du chapelet entre ceux des dizaines.

L’apparition des villes a provoqué une augmentation de population relativement comparable à celle du xixe siècle, moins encore pour la population des villes que par ses effets sur celle de la campagne. En gros, on peut estimer que, comparée à la population carolingienne, elle a doublé. Le maximum est atteint au commencement du xive siècle. Depuis lors, jusqu’au xviiie siècle, il n’y aura plus de changement essentiel.

Il serait de la plus haute importance de pouvoir se faire une idée de l’importance relative de la population urbaine par rapport à la population rurale. C’est malheureusement impossible. Ce qui est sûr, c’est que dans tous les centres favorisés par le commerce, la population bourgeoise n’a cessé d’augmenter jusque vers le milieu du xive siècle. Partout il faut élargir les enceintes devenues trop étroites, englober dans les murs les faubourgs qui se sont constitués en dehors des portes. Il y a de grandes villes,