Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 90 —

le Simple eût pu reconstituer l’unité carolingienne. Il n’en fit rien cependant. Les grands de la Francia Orientalis reconnurent pour roi le fils d’Arnould, Louis l’Enfant, à peine âgé de sept ans et qui se rattachait encore aux Carolingiens.

Y a-t-il dans ces faits un commencement de division nationale ? Les Français n’ont pas reconnu Arnould en 887, ni les Allemands, Charles le Simple, en 899. Il est impossible cependant d’y voir une division nationale. Les Français, en 883, avaient reconnu Charles le Gros parce qu’il était empereur depuis 881. Charles le SImple ne l’était pas et Louis l’Enfait était Carolingien. Il y avait là une continuation du partage de la monarchie dans la dynastie. Mais la dynastie était très ébranlée et l’Empire était disputé par les principicules italiens. Évidemment l’unité européenne se rompait. L’aristocratie disposait des couronnes à sa guise. D’autre part, à la périphérie de l’ancien Empire, on avait perdu tout intérêt pour ce qui se passait au centre, dans le vieux pays historique d’entre-Seine et Rhin, ainsi que le prouvent les séparations de la Bourgogne et de l’Italie. Or les princes qui reconnurent Louis l’Enfant étaient surtout des transrhénans. L’idée nationale était à ce point absente dans l’aristocratie qu’après la mort de Louis l’Enfant, survenue en 911, les grands de Franconie, Souabe, Bavière et Saxe, les quatre duchés allemands, nommèrent roi le duc Conrad de Franconie, tandis que les grands de Lotharingie, Allemands contre Romans, se détachant de la Francia Orientalis à laquelle ils avaient été rattachés depuis le règne d’Arnould de Carinthie, reconnurent pour leur souverain, après la mort de leur roi Zwentibold, le roi de la Francia Occidentalis, Charles le Simple, qui leur laissa, sous Regnier au Long Col, leur autonomie. Les transrhénans, en nommant Conrad, avaient nettement rompu avec la dystanie carolingienne. Désormais, celle-ci ne fut plus qu’une dynastique locale, elle avait perdu son caractère universel. On peut dater de l’élection de Conrad la dissolution définitive de l’unité carolingienne ; elle était fatale du moment que la dynastie ne ceignait plus la couronne impériale. La grande Francia n’existe plus. Son nom se restreint dès lors, chose intéressante, au pays où règne encore un Carolingien. Mais il n’est plus qu’un nom spécial. Il faut parler désormais de royaume de France et de royaume d’Allemagne. Ils se sont séparés et vont suivre leurs destinées sans que les nationalités distinctes y aient poussé le moins du monde ou en aient eu conscience. De cette unité carolingienne