Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/169

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vénitien et italien lui fait dans le sud une concurrence trop forte. Mais à ce moment, les Allemands se répandent dans la Baltique. Et justement le commerce maintenant est devenu si puissant qu’il remonte vers le nord.

De Venise, par le Brenner, il se répand peu à peu dans l’Allemagne du sud, ou plutôt l’attire vers elle, car les Vénitiens ne voyagent pas par terre. Mais le mouvement est beaucoup plus intense du côté de la France. Sous l’impulsion du commerce des côtes, l’industrie et le négoce se sont répandus dans la plaine lombarde qui, dès le milieu du xie siècle, commence à se transformer sous leur action. Ses marchands, par le Saint-Gothard ou par le Mont Cenis, se dirigent vers le nord. Et dans le nord, ce qui les attire, c’est la Flandre où aboutit le mouvement commercial de la Mer du Nord. Dès le commencement du xiie siècle, ces Lombards fréquentent les foires d’Ypres, Lille, Messines, Bruges et Thourout. Puis, le centre des relations commerciales se déplace à mi-chemin et les grands marchés des xiie et xiiie siècles furent ces fameuses foires de Champagne : Troyes, Bar, Provins, Lagny, Bar-sur-Aube.

C’est là que, par l’intermédiaire des Flamands et des Lombards, se touchent et se pénètrent les deux mondes commerciaux, celui du nord et celui du midi. Des deux, le plus avancé, le plus perfectionné, le plus progressif est le dernier. Et cela n’est pas étonnant. En rapports constants avec des civilisations très développées, les Italiens se sont initiés de bonne heure à leurs pratiques commerciales, à ces grands trafics, plus intenses et plus compliqués que ceux du nord. C’est pourquoi les premiers moyens d’échange, qui apparaissent à la fin du xiie siècle, sont italiens. On peut dire que l’organisation du crédit européen est toute romane. Banque, lettre de change, prêt à intérêt, sociétés commerciales, tout cela vient exclusivement d’Italie et s’est probablement généralisé par l’intermédiaire des foires de Champagne. Ce que la Renaissance du commerce a surtout provoqué, c’est le réveil de l’argent, le retour à la circulation monétaire. Le stock de métal précieux n’augmente pas en fait, mais les monnaies se remettent à rouler. L’échange se généralisant, elles apparaissent partout où il se pratique. Des choses qui n’avaient jamais été appréciées en monnaie, commencent à l’être. L’idée de la richesse se transforme.