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par la Lotharingie, le long du Rhône par le royaume de Bourgogne. Mais en succédant aux derniers Carolingiens, la nouvelle dynastie avait abandonné leurs prétentions sur la Lotharingie ; et de son côté, les empereurs n’ayant rien à redouter de sa faiblesse et de sa prudence, absorbés d’ailleurs par leurs expéditions d’Italie, ne lui avaient donné aucun motif d’inquiétude. La situation changea brusquement lorsque, en 1066, le duc de Normandie fut devenu roi d’Angleterre. Une puissance formidable naissait ainsi sur la frontière occidentale qui, baignée par les flots de la mer, avait semblé, depuis la fin des invasions scandinaves, mise à l’abri de tout péril par la nature elle-même. Il était impossible de vivre avec cette puissance dans les mêmes relations d’indifférence et de sécurité qu’avec l’Empire. Car, vassal du roi de France pour son duché normand, le nouveau roi se trouvait lié à son suzerain et sa subordination féodale contrastait trop violemment avec la puissance dont il disposait de l’autre côté de la Manche, pour ne pas être une cause permanente de mésintelligence, de soupçon et d’hostilités. Désormais, les Capétiens ne pouvaient persister dans cette attitude d’abstention où ils s’étaient confinés jusqu’alors. Le souci et la dignité de leur couronne les obligeaient à faire face au danger du dehors, et la nécessité où ils se trouvaient d’avoir maintenant une politique extérieure, allait leur donner l’occasion, en France même, d’avoir enfin une politique royale.

Elle fut inaugurée par Louis VI (1108-1137) et débuta naturellement d’une manière très modeste. Trop faible pour agir seul, le roi associa à sa cause le comté de Flandre, vieil ennemi de la Normandie. C’est à sa politique anglaise que se rattache le projet qu’il conçut en 1126 de profiter de l’assassinat du comte Charles le Bon pour investir de la Flandre un prince normand, ennemi mortel du roi d’Angleterre. Si l’entreprise échoua, elle n’en mérite pas moins d’être notée : elle est en effet la première tentative faite par la couronne pour attirer un grand fief sous son influence. Le péril extérieur auquel le roi avait à faire face, l’acculait à la nécessité de s’imposer à l’intérieur à ses grands vassaux pour absorber leurs forces dans la sienne.

Louis VII (1137-1180) continua la lutte entamée par son père. Son adversaire Henri Plantagenêt était bien plus redoutable que les rois normands ; on a vu plus haut grâce à quelles circonstances il put lui tenir tête. La longue guerre qu’il lui fit le long des frontières d’Anjou ne fut qu’une succession de petites entreprises sans éclat,