Gibelins, le premier était allié à l’Angleterre, depuis le mariage de Henri le Lion avec Mathilde, fille de Henri II. Dès lors, un rapprochement s’imposait entre les Gibelins et la France. Philippe Auguste sut brillamment tirer parti de la situation. L’empereur Othon de Brunswick, chef des Guelfes et complètement gagné à Jean sans Terre, venait en 1210 d’être excommunié par Innocent III. Le roi de France s’empara de l’occasion pour exhorter le jeune Frédéric de Hohenstaufen, confiné en Sicile sous la tutelle du pape, à payer d’audace et à venir se mettre en Allemagne à la tête des partisans de sa maison. L’aventure semblait romanesque : en réalité rien n’était plus prosaïque. Le trésor du roi était venu en aide à sa politique et il avait acheté les princes allemands nécessaires au succès. Le 9 décembre 1212, ils élisaient Frédéric roi des Romains[1]. Ainsi la lutte de la France et de l’Angleterre séparait toute l’Europe en deux camps et son issue devait décider du sort de l’Occident. Les ennemis de Philippe Auguste se décidèrent, en 1214, à un effort décisif. Pendant que Jean sans Terre devait l’attaquer par la Guyenne, Othon de Brunswik marchait sur Paris par les Pays-Bas, ralliant au passage les troupes de Ferrand de Portugal. L’armée que Philippe amena à sa rencontre répondit bien par sa composition aux progrès du pouvoir royal. Vingt ans plus tôt, elle eut été formée tout entière de milices féodales. Cette fois, on y remarquait, à côté de la chevalerie des vassaux de la couronne, des bandes de mercenaires et des compagnies de bourgeois envoyées par les villes. Le choc eut lieu à Bouvines près de Tournai, le 27 juillet, et le triomphe de Philippe Auguste fut éclatant. Ce fut la première des grandes batailles européennes et, si on en excepte Waterloo où six siècles plus tard devaient se retrouver en présence le même groupement d’adversaires, aucune d’elles n’eût de conséquences aussi vastes et aussi immédiates. En Allemagne, Othon de Brunswick s’effondrait devant Frédéric II. En Angleterre, Jean sans Terre, humilié, voyait les barons se soulever contre lui et lui imposer la Grande Charte ; en France, les conquêtes territoriales étaient assurées (Traité de Chinon) ; la féodalité était vaincue dans la personne de Ferrand de Portugal et le pouvoir royal, qui venait de prouver ses forces en terrassant l’ennemi de l’extérieur, se paraît aux yeux du peuple d’un prestige national qui doublait sa vigueur.
- ↑ Voir à ce sujet le chapitre suivant.