Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/260

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gatives nominales de la couronne, en les reconnaissant officiellement comme seigneurs de leurs terres (domini terrae), et en renonçant au droit d’ériger chez eux des forteresses, de nommer des juges, de frapper monnaie, de réglementer le commerce et la circulation. Désormais l’Allemagne n’est plus qu’une fédération de souverains particuliers que l’empereur abandonne à eux-mêmes. Il a bien laissé à sa place, il est vrai, son fils Henri, un enfant élu roi des Romains en 1222, et qui, après avoir vécu sous la tutelle de l’archevêque Englebert de Cologne, se révolta contre son père qui le fit mourir en prison ; puis après lui son autre fils, Conrad IV, âgé de neuf ans quand les princes lui accordèrent en 1237 le titre royal ! Mais ni lui ni les princes ne pouvaient croire et n’ont cru, en effet, que de tels régents jouiraient de quelque influence. Au surplus, après l’excommunication et la déposition de Frédéric, Innocent IV, décidé à balayer la dynastie des Hohenstaufen, ordonne une nouvelle élection. Personne, sauf quelques villes de Souabe, ne s’intéresse à Conrad, et nous avons vu plus haut comment la couronne fut donnée d’abord au Landgrave de Thuringe, Henri Raspon, puis au comte Guillaume de Hollande. C’est à peine d’ailleurs si les princes se soucient de ces élections qui furent essentiellement l’œuvre des archevêques de Cologne. Henri et Guillaume ne servirent guère qu’à affirmer la victoire du pape. Le premier mourut après quelques mois ; le second, à peu près étranger à l’Allemagne par sa patrie, n’apparut guère que dans la vallée du Rhin. Son comté de Hollande lui tenait plus à cœur que son royaume et il ne profita guère du titre qu’il devait à la protection de Rome, que pour affermir, au détriment des comtes de Flandre, la prétention de sa maison sur la Zélande. C’est encore la politique hollandaise qui lui fit entreprendre une expédition contre les Frisons au cours de laquelle il périt le 28 janvier 1258, dans le combat de Stavoren. Lui mort, le roi de Castille, Alphonse X, dont la mère Béatrice était fille de Philippe de Souabe, invoqua cette parenté avec un Hohenstaufen pour revendiquer la couronne d’Allemagne et arriver par elle à celle de Sicile. Cette dernière excitait aussi la convoitise du roi d’Angleterre l’ancien allié des Guelfes, qui espérait la procurer à son fils Edmond. Afin de lui assurer un appui, il excita le comte Richard de Cornouailles, son frère, à briguer la succession de Guillaume de Hollande. Les deux concurrents ne comptaient pour l’emporter que sur leur trésor et, comme Charles-Quint et François Ier devaient le faire trois siècles plus tard, ils se dispu-