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LIVRE VIII


LA CRISE EUROPÉENNE (1300-1450)

L’époque de la papauté d’Avignon,

du Grand Schisme et de la Guerre de cent ans




CHAPITRE PREMIER

CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA PÉRIODE

I. — Le mouvement économique et social

Rien de plus touffu, de plus contrasté, de plus déroutant que la période qui s’étend du commencement du xive siècle jusque vers le milieu du xve siècle. Toute la société européenne, des profondeurs à la surface y paraît en fermentation. Tandis que l’Église tourmentée tout d’abord par l’exil d’Avignon, puis par le grand schisme, enfin par la lutte des papes et des conciles, est ébranlée par des convulsions dont l’hérésie de Wyclif et celle de Jean Hus sont les manifestations les plus redoutables, tandis que la France et l’Angleterre sont aux prises, que l’Empire achève de se dissoudre au milieu de la lutte de maisons rivales que se disputent l’Allemagne, que l’Italie plus morcelée que jamais réunit en elle tous les types d’État et tous les genres de politiques, que les États slaves réagissent sous la poussée germanique et la refoulent, que les Turcs, profitant des querelles intestines de l’Occident, envahissent la Péninsule des Balkans et vont s’emparer de Constantinople, les peuples sont secoués par des révoltes sociales, travaillés par d’ardentes luttes de partis ou en proie à un malaise qui se traduit tantôt par des tentatives de réformes, tantôt par l’oppression des classes les plus faibles par les plus puissantes. L’agitation est partout, dans les esprits comme dans la politique, dans la politique comme dans