Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 310 —

résie. Le pape va jusqu’à condamner comme suspecte la religion des Béguines. Pendant la peste noire de 1347-1348, des bandes de pénitents poussés par une sorte de délire extatique, vont de ville en ville, ameutant le peuple, comme les fakirs d’Orient, par leurs chants, leurs danses ou leurs flagellations publiques. Des sectes mal connues chez lesquelles semblent s’être conservé quelque chose des doctrines et des rêveries des Albigeois, se rencontrent en Italie, en France et en Allemagne, sous le nom de « spirituels, apostoliques, amis de Dieu ». Tous ces mystiques, et ici apparaît pour l’Église le second danger, aspirent à ramener le monde à la pauvreté évangélique. Cette question de la pauvreté a agité tout le siècle. Chez les ouvriers des villes manufacturières, chez les révoltés anglais de 1384, elle a donné naissance à des aspirations communistes que le pouvoir séculier s’est chargé d’étouffer. Mais ce qu’elle a surtout répandu et ce qu’il était plus difficile de combattre, c’est la critique des autorités religieuses, à commencer par la plus haute de toutes, la papauté. Car plus le gouvernement de l’Église a adopté la forme monarchique, plus aussi il a entouré son chef de luxe et d’éclat. Par les artistes qu’elle attire et qu’elle occupe, par la pompe des cérémonies, par le nombre de ses employés, la hiérarchie savante de ses bureaux, l’abondance de ses revenus, la cour d’Avignon l’emporte de si loin sur les résidences royales, fût-ce celles de France et d’Angleterre, qu’il n’est même pas possible de les lui comparer. Et les cardinaux groupés autour du pape rivalisent entre eux de somptuosité et de magnificence. La fiscalité pontificale, déjà si développée au xiiie siècle, s’étend encore et s’ingénie à trouver des ressources nouvelles qui puissent suffire à tant de dépenses. A partir de Jean XXII, elle soumet la hiérarchie ecclésiastique à un système de taxes et de droits utiles dont il est bien difficile de persuader aux âmes pieuses qu’il n’est pas entaché de simonie. Par la création de Reservationes et de Provisiones, le pape dispose maintenant, dans toute la chrétienté, de quantité de bénéfices auxquels il nomme à sa guise moyennant finances. La conséquence en est naturellement que la curie se voit assiégée de solliciteurs, et que les dignités ecclésiastiques de plus en plus sont obtenues par la faveur ou à prix d’argent. On ne se préoccupe plus guère de la valeur des candidats, ni de savoir s’ils possèdent les qualités requises pour le poste qu’ils convoitent. Il suffit de parcourir au hasard les catalogues épiscopaux du xive et du xve siècles pour y faire des observations singulières. On y remarque tout