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Taborites, était revenue au catholicisme. Elle profita des circonstances pour augmenter ses domaines des biens ecclésiastiques confisqués et pour imposer la servitude aux masses rurales.

Sigismond, frère et successeur de Wenceslas, put enfin prendre possession de son royaume. Il n’avait pas d’enfant et, à sa mort en 1437, son gendre Albert d’Autriche lui succéda à la fois en Bohême et en Hongrie. Il ne fut reconnu toutefois que par les Catholiques et les Utraquistes. Ce qui restait des Taborites donna la couronne à Casimir de Pologne. Le moment de la réunion définitive de la Bohême aux domaines des Habsbourg n’était d’ailleurs pas encore arrivé. Albert fut tué en 1439 dans une campagne contre les Turcs et un noble tchèque, Georges Podiébrad, d’abord gouverneur au nom du fils posthume du roi, Ladislas, reçut la couronne au décès de celui-ci en 1457. Le pays se constituait ainsi en royaume national et indépendant. Ce ne devait être qu’un court intermède dans sa douloureuse histoire.

Vers le même temps où l’influence allemande recule en Bohême, elle recule aussi en Pologne, à la suite d’événements de nature toute différente. Tandis que la Bohême est nettement dessinée par les montagnes qui la bordent, la Pologne, jetée de l’Oder à la Vistule dans l’immense plaine par laquelle la Russie se prolonge sur le nord de l’Europe, est exposée de tous côtés, sauf vers le sud où elle est protégée par les Carpathes, aux oppressions de ses voisins. Aucun peuple n’a eu de frontières aussi flottantes. Comme un vêtement, elles suivent les mouvements de la nation ; elles s’étendent ou se rétrécissent suivant ses alternatives de vigueur ou de faiblesse, s’élargissant parfois jusqu’à englober toutes sortes de nationalités hétérogènes, ou se resserrant au point de ne plus suffire même à renfermer la nation tout entière.

Boleslas Chrobry (le Vaillant) qui, au xe siècle, avait pris le titre de roi, étendit son influence jusqu’aux principautés russes du Dniéper, ne laissant à ses successeurs qu’une puissance artificielle parce qu’elle ne reposait que sur la force même de celui qui l’avait créée. Aucun d’eux ne put la conserver. Le titre royal lui-même disparut à la fin du xie siècle et des ducs se partagèrent les contrées polonaises au milieu de luttes intestines qui ne présentent aucun intérêt pour l’histoire générale, si ce n’est celui d’expliquer comment l’Ordre Teutonique put, au xiiie siècle, s’emparer de la Prusse et séparer, sans rencontrer de résistance, la Pologne de la Mer Baltique. L’établissement des Teutoniques n’est d’ailleurs