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tique Sanction, ce ne fut là qu’une satisfaction d’amour-propre. Le roi, auquel cette complaisance valut le titre de « roi très chrétien », fut heureux d’être débarrassé des garanties dont la Pragmatique entourait les élections épiscopales, et se hâta de profiter de leur disparition pour se soumettre plus étroitement le clergé de France. En Angleterre, en Espagne, dans les États bourguignons, bref partout où le pouvoir monarchique est puissant, Rome ne peut l’empêcher de disposer à son gré des plus hautes dignités ecclésiastiques et se contente des marques de déférence qu’il lui prodigue à condition qu’elle le laisse agir à sa guise. Son prestige est si fort en déclin que l’on écoute à peine ses exhortations à s’armer contre les Turcs. Et sans doute la déplorable impuissance dont l’Europe a fait preuve en face de ces barbares s’explique surtout par les rivalités, les jalousies, les intérêts divergents des États, mais on ne peut s’empêcher tout de même d’y voir aussi le résultat de son indifférence pour le chef de l’Église. A la voix d’Urbain VI, la chrétienté s’était soulevée avec enthousiasme contre les Musulmans de Syrie qui ne la menaçait pas ; à celle de Pie II, malgré l’imminence du péril, elle est restée impassible ; elle a vu sans s’émouvoir le successeur de Pierre réduit à prendre lui-même la croix et expirer de douleur et de fatigue à Ancône au moment de s’embarquer pour la guerre sainte (1463) sur la flotte vénitienne qui s’empressa de rebrousser chemin à la nouvelle de sa mort.

La papauté n’est plus désormais une puissance politique qu’en Italie, et là même elle le cède de beaucoup à Venise, au roi de Naples, aux Médicis et aux Sforza. Pour se maintenir, elle est obligée de détourner au profit de son pouvoir temporel une bonne partie des ressources qu’elle tire de la chrétienté ; si bien que sa primauté spirituelle sur le monde catholique paraît parfois se subordonner à ses intérêts territoriaux. Le prince semble souvent l’emporter chez le pape sur le souverain pontife, et cela d’autant mieux que la tiare n’est plus accordée qu’à des Italiens ; Adrien V (1521-1523) sera le dernier des papes ultramontains. En s’italianisant la papauté échappe en quelque mesure à l’ingérence des grandes puissances, mais aussi elle leur devient plus étrangère en même temps qu’elle s’imprègne d’un caractère national qui correspond assez mal à sa mission œcuménique. Rien d’étonnant si, dans de telles circonstances, le népotisme fait d’effrayants progrès au sein de la Curie. Chaque pape profite de son élévation pour assurer l’avenir de sa famille et celui de sa politique en introduisant, sans