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C’était le schisme, ce n’était pas encore l’hérésie, mais celle-ci, ne devait pas tarder à sortir de celui-là.

Il ne fallut pas longtemps à Cromwell pour faire de l’Église un simple instrument de la royauté. Les chapitres furent tenus de n’élever à l’épiscopat que les personnes désignées par le roi. On alla jusqu’à exiger des prédicateurs l’obtention d’une licence royale ! En même temps, tous les monastères furent soumis à une « visite » dont le résultat n’était pas douteux. Le tout puissant ministre avait résolu de confisquer leurs biens en partie au profit de la couronne, en partie au profit de la noblesse afin que l’intérêt des lords et de la gentry fût désormais solidaire du maintien de la nouvelle constitution ecclésiastique, comme l’intérêt des acheteurs de biens nationaux devait l’être plus tard en France, de celui du régime révolutionnaire. La noblesse dominant au Parlement, il ne fut pas difficile d’obtenir les actes qui, de 1536 à 1545, décrétèrent la suppression de toutes les communautés monastiques du pays. Les « articles de religion » que l’assemblée du clergé reçut sans protester en 1536 tranchèrent le dernier lien qui, par la communauté de la foi, attachait encore l’Église anglaise à l’Église universelle. Ils n’acceptaient comme fondements du dogme que la Bible et les trois premiers conciles œcuméniques (the Bible and the three creeds) et ne laissaient subsister comme sacrements que le baptême, la pénitence et l’eucharistie. Aucune modification n’était introduite ni dans le rituel, ni dans l’organisation de la hiérarchie. Entre le protestantisme et le catholicisme, on adoptait, une situation intermédiaire assez voisine, semble-t-il, de celle où les humanistes eussent voulu insensiblement amener la papauté.

Et pourtant le meilleur et le plus célèbre d’entre eux, Thomas Morus avait renoncé dès 1532 à ses fonctions de chancelier et deux ans plus tard sa tête était tombée sur l’échafaud. Les esprits les plus pieux et les plus éclairés qui aspiraient à la réforme de l’Église, étaient révoltés par la violence qu’on lui imposait. Le système du gouvernement leur apparaissait, et était en effet, un despotisme moral imposé par la terreur. La police de Cromwell exerçait une véritable inquisition et des victimes, choisies pour l’exemple parmi ce que le pays comptait de plus illustre, furent impitoyablement sacrifiées au but visé par le terrible ministre. Vainement la noblesse du nord se souleva, au nom du catholicisme et de la liberté ; ses efforts n’eurent pour résultat que de nouveaux supplices.

La rigueur déployée contre les catholiques contraste singuliè-