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Page:Piriou - L’Inde contemporaine et le mouvement national.djvu/13

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table du Gouvernement, jusqu’au jour où elle criera : « L’Inde aux Indiens ». Une minorité petite ? Sans doute, mais éclairée et influente. Le Japon que vous connaissez fut forgé en trente ans — court espace de la vie politique — par quelques publicistes et des hommes d’État, à l’insu et sans l’aveu du peuple.

La croissance du sentiment national dans l’Inde, mère des castes, est chose bien neuve, mais nullement imprévue. Ce qui existe aujourd’hui, c’est-à-dire un régime fortement centralisateur, existe pour la première fois. Imaginez, si vous le pouvez, un immense grouillement humain, chaotique, confus et amorphe, une multitude de villages autonomes et fortifiés, qui ne connaissaient leur maître lointain que par le percepteur l’impôt : telle fut l’Inde, que ni la domination moghole, ni les invasions antérieures ne réussirent à organiser. Aujourd’hui, le pays a un centre, un maître, un seul gouvernement. Et les conditions nouvelles de la vie, le chemin de fer, la poste, le télégraphe, aux Indes comme ailleurs, sont les collaboratrices quotidiennes et irrésistibles de l’unité. Naguère, l’homme naissait, vivait et mourait au village, attaché à sa glèbe : le village était la petite patrie ; naguère, l’homme vivait et mourait dans sa caste : la caste était son unique société. Maintenant il entrevoit une société plus étendue, dont il est membre, et à laquelle une solidarité naissante et mystérieuse, de gré ou de force, le lie. Le long du rail ou du fil électrique, les nouvelles circulent vite et partout. On sait aujourd’hui, qu’au delà du village, il y a l’Inde, et même au delà de l’Inde, l’Asie.