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Page:Piriou - L’Inde contemporaine et le mouvement national.djvu/15

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bureaucrate enguirlande lourdement ses phrases. Ces chiffres muets, qui racontent simplement des millions de morts, ces ravages de la faim ou de la peste, sont sans éloquence pour lui. Il les transcrit sans émotion : froidement, il note que l’exportation augmente, tandis que sévit la famine. Mais les statistiques prennent un air d’idylle, quand elles chantent les victoires du coton, les triomphes de l’industrie britannique, le régime providentiel de la « Pax Britannica »…

Ce qu’il doit à l’Angleterre, le parti national le sait ; mais il sait aussi ce que l’Angleterre lui doit. Les dettes sont consignées en des promesses, renouvelées et confirmées, que chaque écolier hindou apprend par cœur. L’illusion généreuse des grands libéraux anglais de 1830, qui ne se reconnaissaient pas le droit de refuser à l’Inde le bénéfice de notre culture et de notre civilisation, fut de croire à une assimilation aisée et prochaine ; leur honneur fut de souscrire d’avance à la demande que l’Inde adulte ferait de son autonomie. La semence libérale a fructifié. C’est du libéralisme que se réclament les chefs du mouvement national : c’est au nom des principes libéraux, c’est selon la méthode libérale qu’ils revendiquent leur émancipation. Et voici une question, que je sens poindre sur toutes les bouches : l’Inde refera-t-elle, d’un accord unanime cette fois, la révolte militaire de 1858 ? Je crois peu à une levée de boucliers des Sikks et des Gourkas. Les conducteurs du mouvement actuel sont des avocats et des professeurs. Depuis vingt ans, l’Europe se demandait si l’Inde serait mangée à la sauce russe ou anglaise : l’Inde entend bien