Ô mon fils !
Heureuses qu’en ce jour d’amertume et d’alarmes,
Il nous soit libre encor de confondre nos larmes !
Qu’il vive en votre cœur, ne l’oubliez jamais :
Je vivrai du plaisir d’adoucir vos regrets.
S’il vivra dans mon cœur ! Oubliez-vous, vous-même,
Combien, depuis quel temps, à quels titres je l’aime ?
Oubliez-vous, Madame, en ce triste moment,
Que je le pleure à titre et d’époux et d’amant ?
L’un à l’autre promis presque dès ma naissance,
Le désir de lui plaire occupa mon enfance :
Et quand ce prince aimable abandonna ces lieux,
Un souvenir si cher attendrit nos adieux.
Bien que mon second lustre alors finît à peine,
L’éloignement n’a fait que resserrer ma chaîne.
Ma flamme, en attendant des nœuds plus solennels,
Croissoit de jour en jour sous vos yeux maternels.
À ma vive amitié je mesurois la sienne.
Mon père fut le sien, sa mère étant la mienne.
Vous cultiviez en moi des sentiments si doux :
Ils faisoient notre joie. Ah ! Madame, est-ce à vous,
Quand la mort nous l’enlève, est-ce à vous d’oser croire
Qu’un autre le pourroit bannir de ma mémoire ?