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Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/112

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LE CHAPELIER.

CONTE.

En Avignon, était un chapelier
Des mieux tournés, et plus beau cavalier
Qu’on ne peint le dieu de la guerre ;
En le voyant, femme ne tardait guère
À s’éprendre de si beau lien.
Une comtesse en devint amoureuse ;
Elle souhaita d’être heureuse.
Ce qui lui fit employer ce moyen :
Elle envoya chercher Montagne,
Sous mine de faire un chapeau
À son mari, le comte d’Oripeau,
Qui pour lors était en campagne.
L’Adonis n’était pas si novice en ce point,
Qu’il ne jugeât fort bien que l’aventure,
Simplement n’aboutirait point
À prendre d’un chapeau la burlesque mesure ;
Aussi, dès qu’il eut vu parler
Les yeux mourants de la comtesse,
Il crut qu’au fait, il pouvait droit aller,
Sans blesser sa délicatesse.
Par quoi, tirant du bosquet de Paphos,
Ce petit dieu dédaigne des Saphos,
Il l’offre aux regards de la belle.
Le compagnon lui plut si fort,
Qu’elle voulut en orner sa chapelle.
La galante n’avait pas tort :
Le compagnon étant de taille énorme,
Foula comme il faut le castor :