Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/49

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LE PLACET.

CONTE.

Du temps qu’il se trouvait en France
Des magistrats un peu galants,
Un intendant, à l’audience,
Promenait ses regards parmi les suppliants,
Et recevait leurs vœux d’un grand air d’importance.

. . . . . . . . . . . . . . . .

Il avise en un coin, dans une humble posture,

Une petite créature
Tenant un placet à la main :
Elle a seize ans, teint de lis et de rose :
Elle a sans doute une bien bonne cause,
Approchez, belle enfant, monseigneur est humain ;
Aux opprimés il fut toujours propice ;
Ah ! sûrement il vous rendra justice.
Monseigneur, en effet la voit d’un œil bénin,
Et lui dit d’un voix discrète :
— Petite, à mon lever, vous reviendrez demain.
Elle s’en va très-satisfaite.
Toute la nuit aux yeux de sa Grandeur,
Viennent s’offrir les appas de la belle.
Quelle taille ! quels yeux ! quelle aimable pudeur !
Je m’y connais elle est pucelle.
Nous cueillerons demain cette rose nouvelle,
Ou nous aurons bien du malheur.
La nuit se passe ; enfin l’heure du lever sonne.
Monsieur Dumont, garçon intelligent,
À Monseigneur apporte un restaurant,
Puis fait entrer la petite personne.